Dans la rĂ©gion des Grands Lacs africains, le secteur agricole joue un rĂ´le crucial dans l’Ă©conomie locale et constitue le principal moyen de subsistance des mĂ©nages ruraux en RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo (RDC) et au Rwanda. Cependant, la mobilisation des diffĂ©rentes formes de capital (financier, humain, matĂ©riel, naturel et social) nĂ©cessaires au bien-ĂŞtre des mĂ©nages reste un dĂ©fi majeur dans ces zones rurales, entraĂ®nant un cercle vicieux de pauvretĂ©.
Cette Ă©tude a Ă©tĂ© menĂ©e dans le territoire de Kalehe en RDC et dans le district de Rusizi au Rwanda afin d’identifier les formes de capitaux mobilisĂ©es par les agriculteurs et d’Ă©valuer si l’agriculture peut ĂŞtre une voie de sortie de la pauvretĂ© pour ces mĂ©nages. Des visites sur le terrain ont Ă©tĂ© effectuĂ©es dans ces rĂ©gions, ainsi qu’en zone urbaine pour obtenir des donnĂ©es comparables sur les revenus des activitĂ©s agricoles et non agricoles. Dans un premier temps, dans l’objectif d’identifier les moyens de subsistance des mĂ©nages enquĂŞtĂ©s dans les deux zones d’Ă©tude, une visite initiale a Ă©tĂ© menĂ©e pour rencontrer les chefs d’exploitation, soit 65 hommes. Ensuite, une seconde visite a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e pour rencontrer les Ă©pouses de ces chefs d’exploitation, soit 60 femmes, ainsi que 86 jeunes, dans le but de collecter des donnĂ©es sur l’analyse relative au genre et l’implication des jeunes en agriculture. Enfin, dans un troisième temps, 60 personnes rĂ©sidant en zones urbaines ont Ă©galement Ă©tĂ© enquĂŞtĂ©es.
Les rĂ©sultats ont montrĂ© que la vente de cultures et de produits d’Ă©levage constitue la principale source de revenus pour les mĂ©nages ruraux de Kalehe en RDC et de Rusizi au Rwanda. Certains mĂ©nages de Kalehe bĂ©nĂ©ficient Ă©galement de transferts d’argent. Outre les revenus agricoles du chef d’exploitation et de son Ă©pouse, le revenu des autres membres du mĂ©nage, bien que constituant une source secondaire, a Ă©galement Ă©tĂ© pris en compte.
L’Ă©tude a Ă©galement rĂ©vĂ©lĂ© que l’accès Ă  la terre est problĂ©matique pour les agriculteurs des zones rurales de la RDC et du Rwanda, en particulier pour les femmes et les jeunes. Les exploitations sont relativement petites, le niveau d’Ă©ducation est faible et la taille des mĂ©nages est Ă©levĂ©e. Il en rĂ©sulte que, le ratio superficie par exploitation est Ă©galement faible avec une taille moyenne de 3ha dans le territoire de Kalehe et de 1ha dans le district de Rusizi ; ce qui limite la productivitĂ© agricole. De ce fait, plus les productions sont faibles, plus le revenu du mĂ©nage est bas. Par consĂ©quent, il est difficile pour un agriculteur de sortir de la pauvretĂ©. ComparĂ©es aux activitĂ©s alternatives non agricoles, ces dernières gĂ©nèrent Ă©galement des revenus mais ils sont sensiblement infĂ©rieurs aux revenus agricoles et insuffisants pour rĂ©pondre aux besoins des mĂ©nages.
NĂ©anmoins, le secteur agricole offre une plus grande rĂ©silience Ă©conomique aux mĂ©nages, grâce Ă  son avantage comparatif en matière d’alimentation. Par consĂ©quent, l’exode rural n’est pas considĂ©rĂ© comme une solution adĂ©quate pour amĂ©liorer les conditions de vie en milieu rural, bien qu’un exode rural saisonnier en dehors des pĂ©riodes de culture puisse apporter un complĂ©ment de revenu.
L’Ă©tude met Ă©galement en Ă©vidence le manque de participation des femmes Ă  la prise de dĂ©cision au sein des mĂ©nages, ainsi que leur faible autonomisation par rapport aux hommes en matière d’accès et de contrĂ´le des actifs (ressources), tels que la terre et le crĂ©dit. La participation des femmes aux dĂ©cisions au sein des mĂ©nages constitue Ă©galement un dĂ©fi majeur Ă  relever. Dans ce contexte, une approche axĂ©e sur le genre dans les activitĂ©s agricoles est nĂ©cessaire, ainsi qu’un soutien en termes de formation, de financement et d’accès aux moyens de production pour les jeunes souhaitant s’engager dans l’agriculture.
En ce qui concerne la sécurité alimentaire des ménages, les résultats indiquent une insécurité alimentaire dans les milieux ruraux de la RDC et du Rwanda, comme en témoignent les différents indicateurs tels que l’échelle d’accès à l’insécurité alimentaire, le score de diversité alimentaire et les stratégies basées sur les moyens de subsistance des ménages.
En conclusion, cette Ă©tude souligne l’interdĂ©pendance entre le dĂ©veloppement agricole, l’approche de genre et la sĂ©curitĂ© alimentaire et nutritionnelle pour parvenir Ă  un Ă©quilibre dans les mĂ©nages des exploitants agricoles. Il est essentiel de prendre en compte cette interdĂ©pendance pour amĂ©liorer le niveau de vie des mĂ©nages, augmenter leur productivitĂ©, leurs moyens de subsistance, leur sĂ©curitĂ© alimentaire et nutritionnelle, ainsi que le bien-ĂŞtre de l’ensemble de la communautĂ© rurale.